Le Syndrome du Bourreau Rescapé : De Kigali à Tel-Aviv, la tragédie des anciens opprimés devenus oppresseurs


L’histoire n’est pas linéaire. Elle est un cycle où les rôles se renversent, où les victimes d’hier deviennent parfois les bourreaux d’aujourd’hui. Ce phénomène, que j’appelle le Syndrome du Bourreau Rescapé, est visible dans deux des plus grands drames de notre époque : l’attitude du Rwanda envers la République Démocratique du Congo et celle d’Israël envers la Palestine.


Deux nations qui ont connu l’horreur :

Le Rwanda, marqué à jamais par le génocide des Tutsi en 1994, où près d’un million de personnes ont été massacrées en quelques mois.

Israël, né des cendres de la Shoah, qui a vu six millions des siens exterminés par le régime nazi.



Deux peuples qui ont juré “Plus jamais ça”. Deux États qui, au nom de cette promesse, ont basculé dans une politique de domination et d’agression, appliquant aux autres des méthodes qu’ils avaient eux-mêmes subies.


Le Rwanda et le M23 : Un Génocide, Une Invasion



Depuis la fin du génocide de 1994, le régime de Paul Kagame a fait de la sécurité du Rwanda une priorité absolue. Mais cette quête de protection s’est muée en une volonté d’expansion et de contrôle sur la région des Grands Lacs. Sous couvert de traquer les anciens génocidaires réfugiés en République Démocratique du Congo, Kigali a multiplié les interventions militaires et les soutiens aux groupes rebelles.


Le M23, fer de lance de cette ingérence, est une milice soutenue et financée par le Rwanda, qui ravage l’est du Congo. Massacres, pillages, exode forcé des populations : la violence qui s’abat aujourd’hui sur la RDC rappelle étrangement celle qui a déchiré le Rwanda il y a 30 ans. Ironie macabre, le pays qui a été victime d’une extermination devient un acteur central de l’instabilité et du chaos de ses voisins.


Alors que Kigali se présente comme un modèle de résilience et de développement, c’est sur les cendres du Congo qu’il construit sa prospérité. L’exploitation des ressources congolaises alimente l’économie rwandaise, et le spectre du génocide sert de justification à une politique expansionniste, où le droit des Congolais à vivre en paix est systématiquement écrasé.

Israël et la Palestine : Du Ghetto de Varsovie à Gaza



L’histoire juive est marquée par la persécution et l’extermination. Après la Shoah, l’État d’Israël s’est construit avec une détermination absolue : ne plus jamais être vulnérable. Mais cette quête de sécurité s’est transformée en colonisation brutale, en apartheid, en guerre sans fin contre les Palestiniens.


Aujourd’hui, Gaza est un territoire assiégé, bombardé, affamé. La Cisjordanie est morcelée, militarisée, soumise à un régime oppressif. Israël, né du traumatisme d’un peuple sans terre et pourchassé, applique désormais aux Palestiniens un système d’oppression qui rappelle les ghettos et les lois raciales du passé.


Quand l’Histoire Devient un Prétexte à l’Oppression

Dans ces deux cas, une tragédie historique a engendré une obsession sécuritaire qui a basculé dans la violence. L’argument de la survie a été transformé en une justification absolue, qui excuse tout : l’occupation, les guerres, les exactions, les crimes.


Ce syndrome fonctionne selon le même schéma :

1. Un peuple est victime d’une extermination ou d’une oppression massive.


2. Pour assurer sa survie, il adopte une posture défensive extrême.


3. Cette défense devient une politique de domination et d’agression.


4. Les bourreaux d’hier servent d’excuse aux violences d’aujourd’hui.


Mais ce que le Syndrome du Bourreau Rescapé révèle, c’est l’absurdité de ce cycle : en voulant éviter à tout prix d’être une victime, on devient soi-même oppresseur. Et au final, ce ne sont pas les fantômes du passé qui sont vaincus, mais de nouvelles générations qui payent le prix d’une mémoire dévoyée.


Conclusion : La Mémoire comme Arme ou comme Leçon ?

Il y a deux façons de se souvenir d’un génocide. La première, c’est d’en tirer une leçon universelle : “Plus jamais ça, pour personne.” Une mémoire qui construit la paix, qui refuse toute forme d’oppression et qui œuvre pour la justice.


La seconde, c’est d’en faire une arme, un prétexte pour justifier de nouvelles violences : “Plus jamais ça pour nous, quitte à l’imposer aux autres.” Une mémoire sélective, qui instrumentalise la souffrance passée pour légitimer l’injustice présente.


Le Rwanda et Israël ont choisi la deuxième voie. Leur traumatisme ne les a pas menés à la paix, mais à la domination. Ils ont transformé leur douleur en une force brutale, appliquant aux autres les logiques qu’ils ont autrefois subies.


Mais l’histoire est cruelle avec ceux qui refusent d’en tirer les vraies leçons. Aujourd’hui, le M23 sème la terreur en RDC, mais cette guerre finira par rattraper Kigali. Israël bombarde Gaza, mais cette violence nourrit une haine qui explosera tôt ou tard.


Le Syndrome du Bourreau Rescapé n’est pas une fatalité. Il est une alerte. Un avertissement : si nous ne brisons pas le cycle de la vengeance et de la peur, nous sommes condamnés à répéter l’histoire, en changeant simplement de rôle.


Par Todema WOWO

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