« Et tu, Brutus ? » : La trahison, l’ombre inséparable de la politique.

 


« Et tu, Brutus ? » — littéralement « et toi, Brutus ? » en français. Ces mots, prononcés par Jules César, sont considérés comme ses dernières paroles avant de rendre son dernier souffle. Ils illustrent un phénomène tragique et récurrent en politique : la trahison. César, figure emblématique du pouvoir, a été poignardé par un groupe de sénateurs, dont son ami et fils spirituel, Brutus. Comme Brutus, des alliés d’hier peuvent rapidement devenir les fossoyeurs d’un pouvoir.


Aujourd’hui encore, la trahison politique reste un phénomène récurrent. L’arrestation récente d’Olivier Boko, ancien bras droit de Patrice Talon, en est une illustration éclatante dans le contexte béninois.


Boko et Talon : Des alliés à l’adversité


L’arrestation d’Olivier Boko, autrefois un pilier de la stratégie politique de Patrice Talon, a ébranlé la scène politique béninoise. Accusé d’atteinte à la sûreté de l’État, il se retrouve au cœur d’une affaire aux répercussions potentiellement dévastatrices. Mais pour saisir la portée de cet événement, il faut revenir sur leur relation.


La très forte amitié entre Olivier Boko et Patrice Talon est un secret de polichinelles, enracinée dans leur parcours commun au sein de la sphère politique béninoise. Ils ont d’abord tissé des liens solides dans le cadre de leurs activités professionnelles, devenant des partenaires d’affaires et amis intimes. Ensemble, ils ont fait face à des épreuves majeures, notamment l’exil durant le régime de Yayi Boni, où ils ont combattu pour leurs idéaux politiques et se sont soutenus mutuellement dans les moments difficiles.


Boko, considéré comme le bras droit de Patrice Talon, a joué un rôle central dans sa carrière, notamment en gérant Bénin Control, une société chargée de la vérification des importations au Port autonome de Cotonou. Leur amitié s’est renforcée au fil des ans, et Boko a été impliqué dans plusieurs campagnes de Patrice Talon, notamment lors de sa victoire à la présidence en 2016.


Cependant , malgré ce parcours d’amitié et de loyauté, des tensions ont commencé à émerger, notamment avec l’essor du mouvement OB26. Ce mouvement, lancé par des jeunes réclamant la candidature de Boko, a mis en lumière les premières divergences au sein de leur relation. Patrice Talon, considérant cette pré-campagne comme prématurée, n’a guère apprécié le soutien que Boko recevait de la part de ce groupe.


De l’amitié à la méfiance : la fracture OB26


Les choses se sont aggravées lorsque Oswald Homeky, l’ancien ministre des Sports, a maladroitement déclaré lors d’une émission télévisée que Monsieur Boko était le « candidat naturel » pour succéder à Patrice Talon. Cette affirmation a suscité une onde de choc au sein de l’entourage présidentiel, provoquant une réaction immédiate de Patrice Talon qui a vu cette déclaration comme une menace à son autorité et une remise en question de sa légitimité.


Ces événements ont catalysé un climat de méfiance entre Talon et Boko. Alors que le mouvement OB26 gagnait en popularité, les tensions se sont accentuées, et les divergences de vues sur la succession ont commencé à créer des fissures dans leur amitié. Ce qui était autrefois une alliance solide s’est transformé en un champ de bataille politique où les intérêts personnels ont commencé à prévaloir sur la loyauté.


La situation a pris une tournure dramatique avec l’arrestation d’Olivier Boko, ce qui a alimenté les spéculations sur les véritables motivations de cette action. Selon les accusations formulées par le procureur spécial de la CRIET, Boko, en complicité avec l’ex-ministre des Sports Oswald Homeky, aurait tenté de soudoyer le commandant de la Garde républicaine en vue de préparer un coup d’État contre le président Patrice Talon.


Quel avenir pour la politique béninoise ?


L’affaire Boko pourrait marquer un tournant pour la politique béninoise. Si l’arrestation de ce pilier de l’entourage de Talon se confirme comme une véritable trahison, cela pourrait fragiliser l’ensemble des soutiens autour du président. Les prochaines semaines seront déterminantes pour comprendre si d’autres figures clés du régime seront impliquées ou si cette affaire ne restera qu’un épisode isolé.


La trahison : Un refrain bien connu en Afrique


Le cas de Boko et Talon est loin d’être unique. Partout en Afrique, des alliances politiques se brisent sous le poids des ambitions.


L’Afrique est une terre fertile pour les trahisons politiques. Thomas Sankara, leader charismatique du Burkina Faso, a été renversé et assassiné par son ami d’enfance, Blaise Compaoré. En République Démocratique du Congo, Patrice Lumumba a été trahi par ses anciens alliés, avec la complicité des puissances étrangères. Quant à l’empereur Hailé Sélassié, il a été renversé en 1974 par des membres de son propre gouvernement, dont Mengistu Haile Mariam, l’un de ses plus fidèles officiers.


Ces trahisons ont souvent été motivées par des jeux de pouvoir, des ambitions personnelles ou des alliances secrètes, mais elles ont toutes un point commun : elles sont venues de l’intérieur, de personnes que ces leaders considéraient comme des piliers de leur régime.


Au regard de tout cela, il est naturel de s’interroger sur la solidité du duo au pouvoir au Sénégal, Ousmane Sonko et Diomaye Faye. Ce tandem saura-t-il résister aux écueils de la trahison, à mesure que la pression politique et les ambitions personnelles se feront plus intenses ? C’est tout le mal qu’on leur souhaite, car dans l’arène politique, même les relations les plus solides peuvent se fissurer sous le poids des convoitises.


En conclusion, que ce soit dans la Rome antique ou dans l’Afrique contemporaine, la politique reste le théâtre d’affrontements entre amitié et ambition. Les « Brutus » se succèdent, et chaque leader politique, aussi puissant soit-il, n’est jamais à l’abri d’un coup de poignard venu de l’intérieur.


Par Todema WOWO

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